L'avenir du volailler Doux suspendu à un jugement à 60 millions d'euros

De 60 à 90 millions d'euros, c'est la somme que pourrait coûter à Doux un jugement très attendu du tribunal administratif de Rennes, qui risque de mettre en péril le volailler breton et ses 1 200 salariés. L'affaire arrive au pire des moments pour le groupe à la recherche d'un repreneur.

Au cœur du litige : les "restitutions à l'exportation", des subventions versées par l'Union européenne pour aider les producteurs de volailles à vendre leurs poulets congelés hors d'Europe. En 2010, Doux, groupe volailler de Chateaulin dans le Finistère, touchait ainsi 400 euros par tonne de poulets congelés exportés, une aubaine pour le premier exportateur européen, dont l'essentiel de la production part pour le Moyen-Orient.

Teneur en eau supérieure aux normes européennes


Mais au cours de contrôles menés en 2012 et 2013, la Commission européenne s'aperçoit que les poulets Doux ont une teneur en eau supérieure aux normes européennes, ce qui interdit, selon elle, l'accès aux subventions européennes. Les autorités françaises ne partagent pas cette interprétation du droit européen. Mais la Commission demande quand même à FranceAgriMer, établissement chargé de verser les subventions européennes, de suspendre ses paiements et d'exiger le remboursement des aides indues.

Des dizaines de millions d'euros en jeu


"Les organismes payeurs, comme FranceAgriMer n'ont pas le choix. Nous agissons comme délégataire de l'Union européenne", explique Christine Avelin, actuelle directrice générale de l'établissement. "La France peut être sanctionnée si elle ne demande pas de remboursement des aides", ajoute-t-elle. Au vu des sommes en jeu, qui s'élèvent à des dizaines de millions d'euros, Doux attaque devant la justice administrative la décision de FranceAgriMer.

Aide à l'exportation pour des produits "de qualité saine, loyale et marchande"


Une bataille juridique, très technique, s'engage alors sur l'interprétation de la réglementation européenne. Celle-ci impose en effet que les produits bénéficiant d'aides à l'exportation soient "de qualité saine, loyale et marchande". Est-ce le cas des poulets congelés dont la teneur en eau est trop élevée ? La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) est saisie. L'avocate générale, qui conseille la cour, donne d'abord raison à Doux et aux autorités françaises, dans ses conclusions.

Mauvaise image pour la production européenne


Mais la Cour ne suit pas cet avis et, dans un arrêt du 9 mars 2017, va dans le sens de la Commission européenne. "L'exportation de poulet congelé de mauvaise qualité nuit à l'image de la production agricole de l'Union et ne mérite donc pas d'être subventionnée", estimait cette dernière, selon les documents de la Cour.

"Catastrophique" pour les syndicats 


C'est désormais au tribunal administratif de Rennes de se prononcer. Son jugement, déjà repoussé à deux reprises, est désormais attendu mi-avril. Au vu de l'arrêt de la CJUE, il ne devrait pas être favorable à Doux. Et les aides à rembourser, assorties de sanctions, pourraient s'élever entre 60 et 90 millions d'euros, selon FranceAgriMer, jusqu'à 80 millions, selon Doux. "Ça serait catastrophique", déplore Patricia Le Bars, déléguée syndicale CFDT.
"Autant dire tout de suite aux salariés d'aller à Pôle Emploi", embraye Nadine Hourmant, de FO.

"Comptable du passé et responsable de l'avenir"


Chez Terrena, actionnaire majoritaire du volailler, on évoque "un dossier très technique dans lequel Doux a fait valoir un certain nombre d'arguments, que l'entreprise espère voir entendus". La coopérative agricole regrette en outre d'être "à la fois comptable du passé et responsable de l'avenir, au moment où" elle fait "tout pour sauver l'entreprise". Un groupe qui perd entre 35 et 36 millions d'euros par an et est à la recherche d'un repreneur.

Un groupe dépendant des aides européennes


Au-delà du cas d'espèce, ce litige jette aussi une lumière crue sur la fragilité du modèle économique de Doux, fortement dépendant des subventions européennes, qui ont pris fin définitivement en juillet 2013. "On savait que ça allait s'arrêter. Il y a eu un manque d'anticipation des dirigeants de l'époque", souligne Patricia Le Bars. "Ils préféraient payer des boîtes pour faire du lobbying au Parlement européen en faveur des restitutions. Des erreurs de stratégie ont été faites et maintenant ce sont les salariés qui payent les pots cassés!", dénonce Nadine Hourmant. 
Le groupe a engagé en septembre un "plan de transformation" de ce modèle économique. Mais il cherche toujours les 100 millions d'euros nécessaires à son financement.


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